La tuerie de Newtown ou l’impossible remise en cause
« Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, le droit qu’a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé » Bill of Rights (1791). Alors que le bilan de la tuerie de Newtown dans le Connecticut atteint les 27 morts (dont 20 enfants,) le deuxième amendement de la Constitution des Etats-Unis est toujours brandi par les défenseurs du port d’arme pour justifier leur circulation dans le pays. Quelles raisons poussent les auteurs de ces massacres à les commettre et quelles sont les résistances au changement ?
Comme le rappelle Michael Moore c’est la trente-et-unième fusillade dans un établissement scolaire depuis Columbine en 1999. Ce qui pousse les auteurs à perpétrer ces massacres fait débat mais il s’agit souvent de personnes psychologiquement instables. L’effet « contagion » des médias est aussi à prendre en compte par l’inspiration qu’il peut donner à d’autres déséquilibrés. Les classiques « causes » pointées du doigt à chaque fois sont aussi bien connues : la musique ou les jeux vidéo, arguments faciles pour les journalistes en manque d’inspiration ou les célébrités en manque d’audience.
C’est l’accessibilité qui fait le plus débat. Il faut savoir qu’aux Etats-Unis il est plutôt simple de se procurer une arme à feu. Elles étaient 200 millions dans le pays en 1995, elles sont 300 millions aujourd’hui avec un pic d’achat d’armes de poing après chaque fusillade. De plus la loi de 1994 interdisant la vente d’armes d’assaut a été suspendue en 2004 et chacun peut donc s’acheter un AK-47 et des centaines de cartouches en toute légalité. Les narco trafiquants mexicains sont d’ailleurs connus pour venir acheter leurs armes aux Etats-Unis car la législation sur les armes à feu est plus stricte au Mexique. La solution avancée par certains tenant des armes aux Etats-Unis serait d’armer les personnels dans les écoles (jusqu’ici sanctuarisées jusqu’à un périmètre de 300m). Avant que la cantine ne se transforme en zone de guerre il peut être utile de rappeler que sur les 61 tueries de ces trente dernières années aucun civil armé n’a pu arrêter le massacre et que lorsqu’il a tenté de le faire il a échoué, a été blessé ou a été tué.
La NRA (4 millions de membres) a un rôle capital dans le maintien de cette situation de libre circulation d’armes.
Elle milite ardemment pour le port d’arme dissimulé et a tenté par lobbying de dissuader toute législation sur le contrôle des armes à feu. Elle a aussi fait intensément campagne depuis 2007 et la tuerie de Virginia tech pour inciter les campus à s’armer et a soutenu depuis quatre ans 99 lois permettant de libéraliser le port d’armes aux Etats-Unis. Elle utilise enfin massivement les recours en justice pour défendre son business. Exemple emblématique : la Cour suprême a dénié en 2008 à la ville de Washington le droit d’interdire le port d’armes de poing sur son territoire encore une fois en se réclamant du deuxième amendement.
Plus globalement, ces massacres témoignent d’une impossibilité actuelle des américains à remettre en cause leur texte fondateur (78% d’entre eux étaient favorables à un plus grand contrôle en 1990, ils sont 44% en 2010) qui semble de plus en plus anachronique. Le simple fait de toujours légitimer un armement autonome de ces citoyens et l’entretient de milices montre un décalage énorme entre la conception du lien Etat- Nation entre les Etats-Unis, où ce lien est la méfiance, et l’Europe, où ce lien est plus proche de la symbiose.